Ce vendredi 15 août 2008, un drame s'est produit au Chalet : notre ami Albert HEINE a trouvé la mort dans le siphon 1 de la grotte.
Lors de précédents messages consacrés aux explorations post siphon de la rivière souterraine du Chalet, nous vous avions relaté les plongées de préparation à la pointe qui devait pousser plus en avant les découvertes dans cette cavité prometteuse mais sélective.
On le sait, l'accès aux développements noyés et aériens de la grotte du Chalet est par sa configuration strictement réservé à des plongeurs spéléos aguerris et particulièrement conscients des difficultés des lieux. En Belgique, ils se comptent sur les doigts de la main.
En apprivoisant petit à petit et prudemment les différents obstacles, ALBERT, par sa longue expérience de la spéléologie, de la plongée traditionnelle et de la plongée sous plafond, faisait partie de ceux qui maîtrisaient les techniques nécessaires. Il avait surtout le mental requis pour donner le coup de main tant attendu aux plongeurs de pointe.
A l’heure actuelle, nous n’avons pas d’explication à ce qui s’est passé. Toutefois, connaissant les qualités de notre ami dans ce milieu spécifique, on peut exclure avec une quasi certitude la faute technique ou la panique incontrôlée. A 60 ans, il est fort probable qu'ALBERT ait été victime d'un malaise.
ALBERT laissera un vide énorme dans le petit monde belge de la plongée souterraine et dans le cercle de ses nombreux amis, dont ceux de l'Equipe Spéléo de St Nicolas. Mais c’est avant tout à sa famille que vont nos pensées.
Après mûres réflexions, nous avons décidé de relater les faits tels qu’ils se sont déroulés. D’une part, pour éviter de devoir les raconter à tout qui nous pose des questions et d’autre part, pour que le récit ne soit pas déformé par le bouche à oreille. Voici donc ce que Nico, principal témoin de cette bien triste sortie, a courageusement rédigé :
Compte rendu de la journée :
Par cette belle matinée du 15 Août, nous nous retrouvons avec les spéléos de l’Equipe Spéléo de St-Nicolas pour plonger à la Grotte du Chalet.
Muriel et Corona ont pour objectif de tenter de franchir le premier siphon.
Albert et moi avons prévu de porter des bouteilles devant le S3 pour les plongées de la semaine suivante.
Albert a eu l’occasion de frotter plusieurs fois aux siphons 1 et 2 et m’avais déjà accompagner jusqu’à ce S3 sur lequel bute la longue galerie exondée des Belles Mères.
Frank, ayant prêté son matériel à Muriel, se contentera de fureter dans les recoins de la résurgence fossile.
Muriel s’immerge la première, elle ne connaît pas le siphon, et pourra ainsi profiter d’une bonne visibilité afin de repérer le passage pour le retour sans visibilité. Je la suis 10 minutes plus tard avec une bouteille 6 litres en vue d’un premier portage.
On se retrouve dans la cloche à la sortie du S1 qu’elle a franchi sans difficulté. Félicitations Mumu !
Elle m’abandonne à mon portage et refranchit le siphon pour rejoindre les autres à la résurgence.
Pendant que je termine ce premier transport, Corona plongera à son tour dans le S1 mais préfèrera faire demi-tour à la base de l’étroiture verticale.
Une heure plus tard, je sors de l’eau à mon tour, c’est l’heure du casse-croûte.
Le temps de cette pause bien méritée et c’est Albert qui s’immerge avec une 6 litres supplémentaire.
10 minutes s’écoulent et je démarre avec un même fardeau, notre objectif étant de déposer ces 2 bouteilles devant le S3.
Arrivé à la cloche du S1, je retrouve mon camarade. Il est essoufflé. Pas question pour lui d’aller plus loin. Il doit ressortir et je continue le transport des deux bouteilles jusqu’au S3.
Le portage est vraiment pénible. De plus, l’air est « lourd » à respirer, la pollution de la rivière doit y être pour quelque chose. Pas moins de deux heures s’écouleront avant mon retour dans cette cloche qui sépare le S2 du S1.
Stupéfaction lorsque j’aperçois une partie du matériel d’Albert au fond de l’eau. J’émerge aussitôt, il me dit qu’il n’arrive pas à récupérer ce matériel et m’attendait pour l’aider.
Je l’aide donc à se rééquiper et l’oblige à repasser devant moi pour ressortir du siphon.
Je n’aime pas la tournure que prend cette plongée.
Dehors, André nous attend. Je lui demande où est l’autre plongeur. Il n’a vu personne…
Je repars aussi vite, repasse le « pétard mouillé » et émerge dans le S1bis, l’ancienne mise à l’eau accessible par la partie classique de la grotte.
Albert est là, il n’est plus essoufflé. Je lui demande comment il se sent et lui propose de sortir par la galerie sèche.
Il me déclare que ça va et qu’il arrive dans 2 minutes. Je suis fourbu et frigorifié après ce portage et repars l’attendre à l’extérieur.
Dehors, je commence à me déséquiper, mais ne le voyant pas revenir, je me rends immédiatement au bord du S1bis par la galerie sèche. Il n’y a plus personne…
La panique n’est pas loin. Je remets ma ceinture avec mes bouteilles déjà bien entamées et repars de nouveau pour fouiller le puits noyé sous le S1bis. Mais rien.
La fatigue, le stress et mon autonomie en air m’obligent à limiter les risques. Pas question de pousser plus loin maintenant, je fais surface pour appeler les secours…
Albert, pourquoi es-tu reparti ?!
Adieu mon compagnon de plongée, tu me laisses plein d'interrogations. Mais je ne t'en veux pas, je sais que tu aimais ces plongées difficiles et notre amitié ne faisait que s'en renforcer.
Adieu Albert.
Nicolas Hecq (septembre 2008)
Inutile de préciser que la suite fut un cauchemar. Les équipes de Spéléo Secours, après de longues recherches dans la zone d’entrée, ont finalement retrouvé Albert sans vie, à la sortie de l’étroiture verticale, à quelques mètres de la fameuse cloche. Qu’est-ce qui l’a poussé à rebrousser chemin, à refranchir cet obstacle, à repartir vers l’amont ?... nous ne le saurons probablement jamais.
Merci à tous ceux qui se sont mobilisés pour retrouver le corps et le ramener à la surface.