Evolution...
Dès ma plus tendre enfance je fus attiré par les parois rocheuses de notre pays avec l’envie irrépressible d’y mettre les pieds. Tout juste entré dans l’adolescence, je fis mes premières armes, souvent en solitaire, dans la région de Tilff. Epoque grandiose où, sans argent de poche et donc sans matériel adéquat, je me lançais sur ces parois, chaussé de vieilles bottines et avec, pour tout filin, une corde de chanvre d’une dizaine de mètres et dix millimètres de diamètre « empruntée » sournoisement aux échelles de mon père. C’était encore l’époque des pitons, coins de bois, etc. J’y fis la connaissance d’autres « aventureux » qui sont restés, quarante ans plus tard, des compagnons et amis de cordée appréciables.
Ces premiers pas n’avaient d’autre but que des horizons beaucoup plus attirants, la montagne.
Je m’y retrouvais assez rapidement mais cette fois avec un minimum de matériel nécessaire. Matériel acquit après d’âpres joutes verbales afin de soutirer, à mes parents, l’argent nécessaire. Petit comique, ce jeune « gamin » belge qui part seul on ne sait trop où et pour faire quoi. Un dont il faudra encore aller chercher le corps un de ces jours. C’est très certainement ce qu’ils devaient se dire ces montagnards chevronnés ou non qui me voyaient partir, seul, dans les pentes alpines.
Cette détermination ou cette inconscience, et plus que certainement les deux, m’ont permis d’y faire la connaissance de personnages formidables, professionnels de la montagne au cœur grand « comme ça ».
Je n’en citerai aucun de peur d’en oublier. Au fil de nos rencontres ce sont eux qui m’ont appris la montagne, à la lire et en découvrir les pièges. Petit à petit ils m’ont donné cette formation de guide de montagne qu’ils avaient reçue et que je leur dois sans avoir jamais fréquenté aucune école de guides. Simplement au nom de l’amitié. Merci René, Ricardo et tous les autres…
Quarante ans plus tard il est peut être temps de tirer un bilan de toutes ces années. Bilan à commencer par nos rochers belges. Sans nostalgie de « vieux rigide » et en toute objectivité, ce bilan est bien décevant. La démocratisation de l’escalade a amené dans ces bagages toute une foule de gens et de pratiques les plus diverses et étranges. En effet, avant l’apparition des structures artificielles d’escalade, celle-ci se pratiquait uniquement en extérieur pour le plaisir et l’entraînement à la montagne. L’équipement utilisé était d’ailleurs identique. Pitons, golos et autres coins de bois servaient de points d’assurance ou de progression. Le summum de la modernité était, à l’époque, l’apparition du spit. Chacun était responsable de son escalade, de vérifier les encrages et de les remplacer si nécessaire.
De nos jours, il en va tout autrement. La pratique de l’escalade en salle s’est exportée sur le rocher. Les pitons sont remplacés par des broches, pas plus mal, je suis d’accord. Là où je le suis moins c’est en ce qui concerne l’exportation de la mentalité. Le grimpeur grimpe et n’est plus responsable de quoi que ce soit.
S’il a un soucis ou un accident il se retournera inévitablement sur le gestionnaire du massif, voir l’équipeur inconscient qui n’ a pas prévu qu’il allait chuter à cet endroit là…sic ! La responsabilité individuelle de ses actes a disparu.
Que dire encore de cette manie d’organiser des concours, sponsorisés s’il vous plaît, d’escalade. De la sur fréquentation que cela entraîne et des soucis avec les différentes organisations de défense de la nature. Des « plaquages » de magnésie qui marquent bien les prises et les rendent définitivement inutilisables sans y ajouter, de nouveau, cette poudre magique…
Deux mondes sont en présence, celui de l’escalade passion avec le respect de chacun pour le milieu où il se trouve et celui de l’escalade sportive dans laquelle prévalent des règles différentes. Ces deux pratiques cohabitent plus ou moins bien, pour l’instant, mais je n’ai pas la certitude que cela durera encore de nombreuses années.
En montagne, le constat n’est pas beaucoup plus brillant. Que dire en effet de ces régions qui se sont entièrement vouées au tourisme alpin ! Il n’en faudrait pas beaucoup pour qu’un de ces prochains jour une télécabine vous mène directement au pied de l’éperon Walker. Une nouvelle génération de guides est apparue, le client paie et on tente d’effectuer la course, même si dès le départ l’impossibilité de réussite est flagrante, soit due aux conditions météo, soit due à la condition physique du client. De toute façon, il y a l’hélico…
Heureusement, il reste des petits coins où un sommet sait encore se mériter. Il y a peu d’infrastructures touristiques et la seule façon d’y aller est de mettre sac sur le dos et monter des heures durant vers le sommet convoité. Inutile de préciser où va ma préférence…
Il faut, certes, évoluer avec son temps, mais il est aussi nécessaire de préserver une certaine façon d’être, d’aborder les choses, sous peine de transformer notre univers en un vaste parc d’attraction.
Alain Genicq
De l'utilisation intelligente du sac à pof ;-)
Super le résumé du vieux sage ou (singe),non vraiment super .
RépondreSupprimerOn pourrait pratiquement en dire autant de nous (spéléo) ou certain ne vois que reccord ou brevet......
Rien de tel que l'expérience et l'écoute de ces pères.........
Super Alain ,super
Tant que les pères ne se ferment pas et restent à l'écoute de l'avis des jeunes, tout va bien ;-)
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